Un échec militaire que l’état-major camoufle

Faits prisonniers, quatre soldats français ont été aussitôt exécutés par les insurgés. Lesquels, bien renseignés, connaissaient la route qu’allaient emprunter la patrouille et ses blindés.

QUELQUES heures avant le départ en opération, le 18 août, d’une centaine de militaires français, d’une unité de l’armée afghane et de plusieurs blindés, l’interprète qui devait accompagner cette petite troupe avait disparu. Le simple bon sens aurait dû conduire ses chefs à craindre qu’il n’ait alerté les insurgés de l’arrivée de cette « patrouille ». Et donc à les convaincre de ne pas engager leurs hommes dans une vallée et des montagnes proches des frontières du Pakistan, là où pullulent les talibans. Ou alors, ultime précaution, ils auraient pu demander qu’un hélicoptère ou un avion survole les routes que le convoi allait emprunter. « Une reconnaissance aérienne était indispensable, constate, amer, un officier de haut rang en poste de Kaboul. Mais tout le monde n’a pas encore compris qu’ici, c’était la guerre. »

Dès le début de l’embuscade, quatre militaires français ont été faits prisonniers et exécutés par les insurgés. Bilan de neuf heures de combat interrompu par la nuit et repris au petit matin : 9 morts (un dixième surviendra après la sortie de route d’un blindé) et 21 blessés. Quant aux Afghans, ces braves soldats dont on assure aimablement la formation, ils avaient pris la fuite dès l’ouverture du feu.

Manque à tirer

A Paris, on admet que les insurgés avaient été avertis, soit par l’interprète disparu, soit par des policiers ou par des soldats afghans. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que le cas se présente. Et un membre de l’état-major des armées décrit ainsi le piège tendu par l’adversaire : « Des postes de combat préparés à l’avance, des réserves de munitions enterrées et un armement lourd sur place : mortiers et lance-roquettes ».

En revanche, les chefs militaires qui se sont exprimés dans la presse se montrent plutôt discrets sur l’ensemble de l’opération. « Pourquoi ne pas avoir installé des mortiers de 81 face au col d’où venaient les insurgés ?, s’interroge un officier qui connaît la région. Pourquoi ne pas avoir emporté des mortiers de 120 ? On tiré des missiles Milan, voire des obus fumigènes pour dégager nos soldats ? »

Autre exemple d’impréparation : les deux hélicoptères français Caracal, qui auraient pu mener une opération de reconnaissance, étaient indisponibles à l’heure de l’embuscade. « Tous deux affectés à la protection du président afghan Karzaï », précise un militaire français, furieux. Quant aux appareils américains appelés à la rescousse (hélicos Apache, avions F 15 et A 10), ils n’ont pu intervenir avec efficacité car les combattants étaient trop proches les uns des autres.

« Grandes ambitions mais petits moyens, constate le même officier. La moindre des choses est de donner aux militaires les moyens d’exercer dignement leur métier. Sinon, on les laisse en France. » Là, c’est une excellente idée.

                                                                                                    Claude Angeli

Source : « Le canard enchainé » du mercredi 27 août 2008

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