Un corps expéditionnaire avec crédits à risques

« UNE certaine désinvolture. » Un officier qualifie ainsi l’attitude de Sarkozy, qu’il a vu, à Kaboul, partir rencontrer le président Afghan, tandis que se déroulait la levée des corps des soldats. Ou qui, comme on a pu le constater à l’écran, avait les mains dans les poches en face d’un militaire français qui pleurait ses camarades.

Mais d’autres reproches se font jour en Afghanistan, autres que ceux relatifs à la maladresse insigne du chef de l’Etat. Le corps expéditionnaire français est « mal équipé » ou « sous-équipé », selon plusieurs officiers. Et de citer quelques exemples : « Des treillis au coloris à base de vert… On nous voit ainsi à des kilomètres dans l’environnement couleur de sable. Des rangers en cuir inadaptés aux 45 degrés du climat. Une dotation individuelle en munitions insuffisante. Et des gilets pare-balles peu adaptés au combat à pied… »

Toujours parmi les critiques discrètes qu’émettent nombre d’officiers : les véhicules qui permettent d’approvisionner les unités en eau, alimentation, munitions, etc., ne sont pas blindés, à la différence des engins de transport US. Quant aux chars légers AMX-10 RC qui vont bientôt quitter la France, « ils ne pourront pas traverser certains villages, ils sont trop larges ». Enfin, une grande partie des petits blindés (VAB et VBL) ne sont pas encore dotés des équipements destinés à « neutraliser » les explosifs que les talibans se plaisent à disséminer le long des routes.

Mieux, si l’on ose dire, le contingent français ne dispose que de deux hélicoptères et d’aucun drone. L’armée en possède pourtant vingt-cinq, depuis mai dernier, des petits drones portables Drac parfaitement adaptés au terrain afghan et à la reconnaissance pendant les opérations.

La collecte des renseignements n’est pas non plus excellente, dit-on, car les Américains ne partagent pas en temps et en heure tout ce qu’ils apprennent. Voilà qui explique sans doute pourquoi Sarkozy et Morin viennent d’annoncer qu’ils comptent bientôt dépêcher à Kaboul quelque 200 membres des forces spéciales afin d’y jouer les barbouzes, et non pour y combattre, précise le ministère de la Défense. Lequel se garde d’avouer que le Président a récemment demandé à l’état-major d’envisager l’envoi de nouveaux renforts. Dans l’ambiance actuelle, pareille proclamation ne serait-elle pas saluée avec enthousiasme ?

                                                                                                                                  C. A.

Source : « Le Canard enchaîné » du mercredi 27 août 2008

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