Le rapport qui prédisait l’avenir…

PREMONITOIRE, le rapport sur le « retour d’expérience », rédigé par le lieutenant-colonel Benoît Desmeulles, daté du 4 mai 2008, et que s’est procuré « La Canard ».

Chargé, dans la zone délicate et désormais célèbre de Kapisa, de l’encadrement des forces afghanes, l’officier de la Légion étrangère énumère, sur quatorze pages, les difficultés rencontrées pendant sa mission. Et on comprend que l’état-major ait été gêné aux entournures quand il a fallu expliquer le désastre récent.

Dans le secteur qui a été aimablement attribué aux Français par l’Otan, écrit-il, « les incidents se sont multipliés sous toutes les formes possibles… » Et il faut s’attendre à « des offensives dans les vallées sensibles [qui] donneront sans aucun doute lieu à des affrontements aussi violents que nombreux ». Comme le confessait, dimanche 24 août, le général Stollsteiner, patron des troupes françaises en Afghanistan, lors d’une touchante séance d’autocritique,        « nous avons pêché par excès de confiance » ! Dans l’armée afghane par exemple ? Elle serait formée, si l’on en croit le rapport du lieutenant-colonel Desmeulles, de « combattants rustiques et endurants » dont les « chances de l’emporter sur les talibans demeurent faibles ».

Mais les forces afghanes ne sont pas seules à en prendre pour leur grade. Le lieutenant-colonel flingue aussi son propre camp. « La (…) mission impose de choisir soigneusement les personnels du détachement (…) ; elle suppose tout de même des compétences particulières et surtout maîtrisées, un niveau physique élevé ainsi qu’une aptitude à vivre (…) dans une ambiance de combat. » A méditer par le ministre Morin et son chef d’état-major, qui ont évacué d’un revers de manche la polémique sur le niveau de formation des piou-pious envoyés au feu après leurs six mois de formation. Le gradé glisse aussi, au passage, quelques phrases sur la « situation tendue des effectifs » et « la diversité trop grande de provenances des personnels, préjudiciable à la cohésion et à la tenue des détachements ». Autrement dit, faute de soldats en nombre suffisant dans un même régiment, on fait du patchwork.

D’où ces propositions qui résonnent drôlement après l’hécatombe : « l’accent devrait plutôt être mis sur la formation tactique générale, type infanterie légère, en combat à pied. La connaissance pointue des missions d’infanterie, dont, en particulier, les procédures de convoi, pourrait à elle seule prendre des mois. Or on ne peut que constater les manques dans ce domaine », insiste lourdement l’homme de terrain. Et il ajoute à propos de l’enseignement : « Un certain nombre de formations se sont révélés inutiles, car mal conduites et peu préparées », dans des domaines aussi accessoires que les explosifs ou l’appui aérien !

Transmis aux gamins du 8° RPIMA, dont une nouvelle section de 30 jeunes quittera Castres, le 8 septembre après seulement dix mois d’armée.

Prête au combat ?

                                                                                             Brigitte Rossigneux     

Source : « Le Canard enchaîné » du mercredi 27 août 2008 n°4583

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