La guerre dit enfin son nom

La mort de dix soldats français a provoqué une brutale irruption de l’Afghanistan dans la presse écrite et audiovisuelle. C’est la règle du genre : l’émotion prime sur tout. Beaucoup découvrent ainsi la sinistre réalité d’un conflit en terre hostile et vont jusqu’à reconnaître -enfin…- que les talibans et autres insurgés contrôlent au moins la moitié du pays. Ce que n’ignoraient pas, et depuis longtemps, les lecteurs du « Canard ».

Pourtant, avant même cette embuscade meurtrière, on savait que, le 13 juillet dernier, une centaine de talibans avaient failli s’emparer d’un poste américain, dans la province de Kunar, avaient tué 9 paras et blessé 15 autres. L’attaque au mortier de l’importance base US de Kandahar,  puis celle de la prison de cette ville, avec la libération d’un millier de détenus, auraient aussi pu convaincre certains confrères d’écrire, comme vient de le faire « Le figaro » (21/8) : « L’Otan cherche les moyens d’éviter la défaite militaire face à l’insurrection. »

Confrontées à pareille situation, les forces alliées mènent depuis longtemps une guerre à bord de blindés, une guerre électronique pour piéger l’adversaire, une guerre aérienne, avec bombes guidées par laser, ou grâce à des drones, ces avions-espions sans pilote dont les prises de vue renseignent, en temps réel, un poste de commandement…dans l’Etat américain du Nevada !

A l’état-major français, peu se disaient partisans de s’engager davantage dans cet interminable conflit – sept ans déjà. Mais ils ont dû obtempérer. En premier lieu, le patron des armées, Jean-Louis Georgelin, qui, en mars dernier, affirmait devant ses collaborateurs : « Comme je le répète depuis un moment, l’Afghanistan devient un merdier ingérable. Et nous n’avons aucun intérêt à nous y impliquer encore plus. »

Les politiques, qui ne cessent ces jours-ci de disserter sur cette guerre, devraient en parler discrètement avec ces généraux…

C. A.

Source : Le Canard enchaîné du 27 août 2008 n° 4583

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