Halte au torpillage de notre outil de défense !

Il serait trop aisé de réduire ou de mépriser cette prise de conscience, que nous sommes bien plus nombreux à partager que les apparences ne le laissent croire. Loin de nous toute volonté de nuire, ces propos ne remettent en aucun cas en cause notre motivation et notre professionnalisme restés intacts, il suffit de venir au résultat pour constater que personne n’a eu à se plaindre de notre efficacité, de nos initiatives constructives, et de notre rapidité d’adaptation.

Mais en toute franchise, avec un minimum de bon sens, il y a lieu de s’interroger sur la finalité d’un tel sacrifice de temps (15 jours dont 8 « fériés »), de cadres (2000 officiers et sous-officiers de l’armée de Terre, de l’armée de l’Air, français, allemands, britanniques, américains), de moyens (15 jours d’IAT/ISC) au profit d’un entraînement des postes de commandements, dont la rentabilité opérationnelle est plus qu’hypothétique. En tant que animateurs-opérateurs, nous n’avons rien appris, nous avons perdu un temps précieux, nous n’avons pas perfectionné et encore moins restauré nos savoir-faire techniques, tactiques et de commandement pour lesquels nous avons bénéficié de formations coûteuses et pour lesquels nous sommes payés. Enfin, notre condition physique, qui est aussi notre outil de combat, a décliné, puisque, enfermés nuit et jour durant une semaine, nous avons veillé devant des ordinateurs et des cartes jusqu’à l’abrutissement. Il est bien loin le culte de « l’esprit sain dans un corps sain ».

Dans un autre registre, il serait inutile de s’étendre sur tout le temps libre, traditionnel au mois de mai, que nous avons gaspillé à ne rien faire et sans nos familles, en cette période de réforme du temps de travail sensée assouplir la surchauffe de disponibilité propre aux cadres des armées. Quant au type de guerre que nos états majors ont joué, il s’apparente à un scénario type guerre froide, mais ne ressemble en rien aux types de conflits contemporains et futurs pour lesquels nous sommes sensés nous préparer. En cette période d’opérations en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Afrique, à l’heure de la menace terroriste mondiale, de l’anti-guérilla, dans une Europe plus menacée de l’intérieur que de l’extérieur, il devrait être parfaitement légitime de pouvoir s’interroger sur la direction que prend notre armée, si l’aptitude opérationnelle de ses « cerveaux », à défaut d’équipements, est réelle et adaptée.

Cet exercice stupide n’est qu’un exemple de plus qui s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous vivons ces dernières années, et qui s’apparente étrangement à une volonté politique délibérée de torpillage de notre outil de défense. Certains historiens se plaisent à comparer la situation actuelle de notre armée avec celle des années trente, en termes de décalage, de retard et d’inadaptation. En fait, cette situation est pire, et nous continuons à nous enfoncer. L’actualité internationale n’est pas réjouissante, l’avenir ne nous promet pas plus de l’être, la moindre des choses serait d’en finir avec cet acharnement suicidaire, décadent et surréaliste, et de prendre enfin en compte les réalités à bras le corps.

À lire également