Les véritables vocations sont rares

Interview du capitaine Michel Bavoil président de l’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil) par Madame Odile Plichon journaliste au Parisien

Qui est  le «soldat-type» qui s’engage ?

Michel Bavoil. C’est neuf fois sur dix un homme  jeune. Assez fréquemment un enfant de l’immigration ou de l’outre-mer. Ses parents, sont souvent ouvriers, secrétaires, femmes de ménage, etc. Bref, il est issu des classes populaires. Moins de 7% des militaires du rang ont un père cadre supérieur. En trente-quatre ans de carrière, je n’ai jamais vu de fils de ministre ou d’énarque parmi eux. Sauf une fois, en 1972, à Madagascar. Le neveu du patron des patrons d’alors, François Ceyrac, était dans nos rangs, mais n’avait  rien dit. Nous l’avons su lorsqu’il a reçu un télégramme lui annonçant « Charbonnel  ministre, papa député ».

Les vocations sont-elles fréquentes ?

Les véritables vocations sont rares . De plus en plus souvent, avec la hausse du  chômage, les considérations économiques ou sociales priment : les jeunes ont besoin d’être indépendant, ou veulent acquérir une formation après un échec scolaire.

« Les campagnes de recrutement de l’armée cultivent une certaine ambiguïté »

L’ascenseur social fonctionne-t-il encore dans l’armée ?

Oui… pour ceux que l’armée recrute comme comptables, infirmiers, cuisiniers, c’est-à-dire les  métiers «annexes» au combat. Un jeune entré comme auxiliaire  sanitaire pourra acquérir une formation d’ambulancier et trouver un emploi dans le civil par la suite. Pour les soldats, en revanche, il faudrait plutôt parler de handicap : démineur, grenadiers-voltigeurs ou tireurs d’élite, les combattants qui ont passé cinq ou dix ans de leur vie dans l’armée ont un mal fou à se reclasser «dehors». Dans le secteur de la sécurité, la concurrence avec les anciens gendarmes est rude.

N’y a-t-il pas un malentendu entre certains jeunes, qui signent d’abord pour apprendre un métier, et l’institution ?

Beaucoup savent ce que l’on attend d’eux lorsqu’ils s’engagent. Mais il est vrai que si le statut général des militaires, qui évoque le nécessaire « esprit de sacrifice pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême », est clair, les campagnes de recrutement de l’armée, elles, cultivent une certaine ambigüité.

C’est-à-dire ?

Il y a trente ans, le slogan était « Engagez-vous, rengagez-vous, vous verrez du pays »Ce n’était peut-être pas , mais cela avait le mérite d’être limpide. Aujourd’hui, en revanche, l’armée de terre est « bien plus qu’un métier », selon le slogan, un refuge pour les jeunes sans qualification notamment. On en oublierait presque l’essentiel, la guerre.

Depuis la fin de la conscription, la France a de toute façon « une armée de professionnels »…

Je dirais plutôt une armée…de contractuels ! A côté de 25000 sous-officiers de carrière, 21000 autres ont signé un contrat. Et, je le rappelle, 100% des 66000 militaires du rang – soldats et caporaux – sont des contractuels. Au bout  de cinq ans, seul un sur deux renouvelle son engagement.

 

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