Copains de régiment…

Ce n’est pas parce qu’on « n’aménage » pas le territoire qu’il ne faut « ménager » les copains. Illustration avec la nouvelle carte militaire : malgré les protestations vertueuses de Fillon sur les « raisons opérationnelles » qui ont présidé au douloureux accouchement de l’armée de demain, Sarko a, autant que possible, épargné ses troupes.

Exemple : chouchou du Président, qui en a fait un porte-parole, Luc Chatel, ancien député et maire de Chaumont, a conservé son 61e régiment d’artilleurs. Demande expresse de Sarko à Morin. Idem à Lunéville, dont le maire UMP, Jacques Lamblin, sauve son régiment de transmissions alors qu’il était sur la liste initiale des unités dissoutes. Explication : avant les municipales, Lunéville était à gauche. Depuis, la ville est tombée aux mains de ce sarkozyste idolâtre, membre de la commission de la Défense.

Petits arrangements entre amis

Caen et Laval, ont eu la mauvaise idée de passer à gauche? bien fait pour eux, ils seront punis. Leurs régiments de transmissions, qui devaient être épargnés, seront finalement déplacés vers le 6e RCS de Douai, dont le maire et conseiller régional, Jacques Vernier, est un UMP grand teint.

Plus grossier encore, le cas de Thierville-sur-Meuse, une petite municipalité socialiste près de Verdun qui abrite des escadrons de chars Leclerc. Le 5 mai, Morin avait assuré à son maire, Yannick Doladille, qu’il n’avait aucun souci à se faire. C’était, paraît-il, aussi le choix de l’état-major. Seulement, à quelques encablures de là se trouve le « 501/503 » de Mourmelon, équipé de…Leclerc. Le maire (UMP) de la ville, Fabrice Loncol, a harcelé le ministère et obtenu, la veille de l’annone officielle des restructurations, le maintien de son régiment. C’est la caserne de Thierville la rose qui verra fondre ses effectifs.

Quant aux annonces tonitruantes d’aides en tout genre, et de stupéfiantes nouvelles – du genre Dior s’installe en Moselle à la place des guerriers…-, les maires attendent de voir. Entre 40 et 50 entreprises auraient, selon Morin, « contacté le ministère, et envisagent de s’installer sur les sites militaires libérés ». Mais personne ne parvient à obtenir le nom de ces intrépides investisseurs.

Les copains qui n’ont pas pu sauver leurs casernes (il y en a de nombreux, notamment dans l’Est) sont l’objet de touchantes sollicitudes. Lundi 28, Laurent Pellegrin, délégué à la revitalisation des zones sinistrées, était au chevet de Bitche en Moselle, où le maire UMP Gérard Humbert sanglote de voir partir ses artilleurs. Accueillis sous les huées, les envoyés du Président ont passé un sale quart d’heure, protégés par la gendarmerie.

A Dieuze, bientôt privé de ses commandos paras, Fernand Lormant, qui menaçait de démissionner avec 128 conseils municipaux du secteur, s’est entendu dire qu’il hériterait d’une école de formation de l’armée de terre. « Pour l’instant, je n’ai rien vu d’écrit. Au mieux, je sauverai les meubles. Et la crèche toute neuve inaugurée en avril pour les enfants des militaires, qui nous a coûté 1 million d’euros, ce n’est pas avec ça que je vais la remplir.» A Commercy, le maire socialiste Bernard Muller n’a arraché aucune compensation au départ du 8e RA. Ni emplois publics, ni infrastructures, ni implantations d’industrie. « On n’est pas sur les listes. Si ça, c’est pas politique », lâche l’élu PS.

On a quand même le droit de choisir ses amis !

                                                                                                                    Brigitte Rossigneux

  

Source :

Le Canard Enchaîné  du  mercredi 30 juillet 2008

  

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