Un pirate des Caraïbes chez les pandores

Mais qui a bien pu faire un coup pareil ? Les as de la lutte anti-drogue qui, depuis Fort-de-France en Martinique, pourchassent les trafiquants dans la mer des Caraïbes se sont réveillés, le 16 juillet, avec la gueule de bois. Malgré la présence des gros bras des commandos Marine, qu’il vaut mieux éviter de chatouiller sous le menton, malgré les caméras et les systèmes d’alarme qui surveillent ce « bunker », des monte-en-l’air ont réussi à s’introduire au cœur de la base navale au fort Saint-Louis. Où ils ont, sans précipitation, cambriolé les locaux de l’Office central de répression du trafic de stupéfiants, dans lesquels s’activent- en coopération avec les Américains et les Colombiens, s’il vous plaît – poulets d’élite et pandores triés sur le volet.

Comme l’a raconté « France-Antilles », le quotidien local, les malfrats n’étaient pas venus pour rien. Ont disparu les ordinateurs, dont certains contenaient entre autres des listes de suspects, des informations confidentielles transmises par les ricains ou encore des fréquences radio utilisées lors des opérations en mer réalisées par la Marine nationale. Et enfin des échantillons de drogue ainsi que des armes. Le tout déménagé sans la moindre trace d’effraction.

Un indice qui n’échappe pas aux pandores lancés sur le sentier de la guerre par le procureur de la République. Bon sang mais c’est bien sûr, la bande a bénéficié de complicités internes ! Ni une ni deux, la chasse aux ripoux s’organise. Les militaires déboulent au domicile de plusieurs flics de l’Office pour perquisitionner. Sous l’œil intéressé du voisinage, qui se masse pour assister au spectacle, ils retournent les apparts de policiers censés vivre dans l’anonymat et la discrétion. Et ils font chou blanc.

Pendant plusieurs jours, les pandores errent à la recherche d’une piste. Jusqu’au moment où leur enquête les conduit chez un autre fonctionnaire de l’Office. Bingo, le coupable est identifié. Il a le grade de major et il appartient…à la gendarmerie. Sans se faire prier, il se met à table. Il confirme tout, affirme avoir agi seul, mais refuse d’expliquer quelle mouche tropicale l’a piqué. Et surtout où il a planqué son butin, que la section de recherches de Fort-de-France a été priée de retrouver toutes affaires cessantes.

 Un cas pendable

Mis en examen, le représentant de la loi a été suspendu de ses fonctions. Mais il a échappé à un mandat de dépôt. Opportunément sollicité, un expert psychiatre a estimé qu’ « au moment des faits il était irresponsable ». Le bougre, qui a été évacué vite fait bien fait vers l’Hexagone, aurait « été déstabilisé professionnellement ».

Irresponsable, c’est bien le mot, hurlent les syndicats locaux de flics après les perquisitions à grand spectacle qui jetaient le soupçon sur certains de leurs collègues. « Ces policiers ne sont pas des policiers comme les autres. Face à eux, il y a de gros délinquants. Ils ont besoin de se protéger et de protéger leur famille », a gémi le syndicat Alliance.

La gendarmerie, les godillots en dedans, essaie de se faire oublier, et de minimiser les faits d’armes de son sous-off. « C’est une affaire bien regrettable », soupire un porte-parole du Sirpa (servie de presse), interrogé par « Le Canard ». « Entre nous, avoue en privé un officier rigolard, c’est vrai qu’on aurait préféré que ce soit un flic. »

Il peut se consoler : pour déjouer tous les systèmes de sécurité, un gendarme est toujours plus fort…

 Jérôme Canard

Source « Le canard enchaîné » – mercredi 30 juillet 2008)

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Rocambolesque mais vraie  

Les policiers énervés par le sort du « gendarme voleur »

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