Des nazillons très câlinés (extrait du Canard enchaîné du mercredi 7 mai 2008)
Plutôt énervé, Hervé Morin se demande si on ne l’a pas fait marcher…au pas. Sitôt parue, dans « Le Canard », la photo des trois nazillons du 17e régiment de génie parachutiste posant, main levée, derrière un drapeau à croix gammée, le ministre de la Défense avait exigé une enquête approfondie. Et, à l’état-major de l’armée de terre, on n’avait pas de mot assez dur pour condamner cette conduite « inqualifiable ». On allait voir les têtes rouler dans la sciure. Une plainte était déposée. Mais, à la caserne de Montauban, l’ambiance est nettement moins sauvage.
Coup de bol, la photo étant présumée un peu ancienne, les nostalgiques du IIIe Reich ne seront pas poursuivis, pour cause de prescription. Certes, les gendarmes ont récupéré chez eux, lors des perquisitions, une panoplie du parfais petit nazi qui tendrait à prouver qu’ils n’ont pas raccroché. Mais on ne va pas encombrer les tribunaux pour ça…
Sur le plan disciplinaire, c’est presque aussi cruel. Deux bonnes semaines après la parution de leur photo dans « Le Canard », les deux fachos ont écopé de 40 jours d’arrêt. Consignés depuis le 30 avril, ils n’ont, en principe, pas le droit de sortir de la caserne. Mais le colonel Esparza, bienveillant père du régiment, les a envoyés, au vu et au su de tous, en perm’ dans leur famille jusqu’au 5 mai. Un aménagement de peine, en quelque sorte, a-t-il reconnu, interrogé pas « Le Canard ». Morin, mis au parfum de ces petits arrangements avec le règlement, s’est fâché tout rouge.
Contrat de défiance
Sur l’avenir des deux troufions, pas d’affolement : « On verra s’il y a lieu de reconduire leur contrat », a tranché l’intraitable colonel. Sachant que ces bons éléments ont signé, l’année dernière, pour une nouvelle période de cinq ans, ils sont assurés de rempiler jusqu’en 2012. Un préavis confortable…
Quant aux officiers, ils ont affirmé qu’ils étaient tombés de l’armoire en découvrant, chez eux, un nid de nazillons. Pourtant, l’un de ces héros est dispensé de piscine en ville à cause de ses tatouages à la gloire du Führer. A l’extérieur, cette coquetterie (qui n’a pas empêché son incorporation) pourrait faire mauvais genre. D’autres petits indices auraient pu éveiller l’attention.
Un tract anonyme, remis au prédécesseur du colonel Esparza, expliquait, par exemple, que Hitler s’était trompé, que le problème, ce n’était pas les Juifs mais les arabes. L’aumônier du régiment s’en était ému. En vain : aucune enquête n’a été ordonnée. La mère d’un soldat mort en opération a retrouvé un portrait de Hitler glissé sous la photo de son fils que lui avaient offert ses camarades. Etc.
Les vaillants guerriers qui ont posé avec l’emblème nazi ne voient pas où est le mal. La preuve ? Ce couplet hilare de l’un deux, dans un reportage diffusé sur M6 le 29 avril : « c’est de la rigolade. Ça se passe dans tous les régiments de France et de Navarre, et c’est pas pour ça que ces gens-là ne sont pas de bons soldats… » Pour la repentance, on repassera.
Morin, qui a eu vent de ce dernier épisode, a demandé à la DPSD (ex-Sécurité militaire) de lui communiquer le nom de ce soldat philosophe. Finalement, le seul sous-off qui ait de vrais soucis, c’est le « traître » Benserhir, fraîchement débarqué et par qui le scandale est arrivé. Dans le meilleur des cas, à Montauban, ses anciens camarades tournent la tête sur son passage. Et des « amis » lui ont vivement conseillé de ne pas traîner dans les coins sombres.
En Allemagne, ou la Bundeswehr doit composer avec son lourd passé, il existe une « formation morale et civique ». « Une situation de ce type est impensable chez nous, affirme un porte-parole de l’ambassade d’Allemagne. Les types seraient dehors et la hiérarchie sanctionnée ».
Angela pourrait peut-être en toucher un mot à Nicolas.
Brigitte Rossigneux