Le problème d’uniformité des tenues est un faux problème. Lorsque nos chefs ont le temps de se pencher sur les points de détails qui relèvent de leurs subordonnés c’est que normalement l’essentiel va bien. Hors dans le cas présent, je crois malheureusement que c’est l’inverse. L’essentiel allant au plus mal, il est plus facile et sans risque de se focaliser sur l’accessoire. Ce genre de coup de gueule est l’arbre qui cache la forêt des vrais problèmes.
Si la discipline fait la force principale des armées, la capacité à durer et à utiliser facilement son équipement aussi. Hors l’armée Française, par manque historique de moyens s’est mise à confondre rusticité et dénuement. Mais au lieu de chercher à résoudre le problème, elle a préféré transformer ce dénuement en dogme inamovible.
Cela ne remonte pas à hier comme le cite le colonel R-PRENEUF dans son livre : 2 DB. La campagne de France. « Tout d’abord, la division se bâtit selon l’organigramme américain, s’équipa, s’arma en conséquence. Elle découvrait le pragmatisme d’outre-atlantique et avec lui l’abondance. En fait la simple adaptation des moyens aux besoins. Une nouveauté. Dans l’armée française, il faut toujours bricoler ce qui manque, se débrouiller. On changeait de monde. Pour la toute petite histoire, notons que le directeur de l’intendance d’alors, à Alger, réduisit de 6 à 3 les tailles des tenues de guerre proposées par le système américain à la troupe. Ce cuistre déclara plus tard, dans un article de la Revue de la défense nationale qu’il demeurait fier de cette décision, « l’armée française devant demeurer fidèle à sa tradition d’austérité ». Il poussa le souci du manque jusqu’à retirer du lot de bord des blindés, montres et stylos, pour les revendre aux chefs de chars et aux radios auxquels ces indispensables accessoires étaient, de droit, destinés. »
Sans commentaire !
Je crois que des tenues adaptées et fonctionnelles, cela fait partie de la condition du personnel au même titre que la solde ou les conditions de logement.
Même si il y a des progrès notables, nous avons encore des équipements qui sont largement ceux d’une armée de parade ou équipée par le plan Marshall.
Quel général a déjà essayé d’enfiler le « brelage réglementaire » au dessus du gilet pare-balles ? Quel général a déjà essayé de sortir son PA 9 mm de son étui lorsque l’on porte ce même gilet pare-balles et que l’on garde le brelage sous le gilet, car il a fallut mettre le gilet dans l’urgence ? Quel général a déjà essayé de sortir rapidement un chargeur d’un porte chargeur Famas réglementaire ? Quel général a déjà dû se protéger les genoux lorsque l’on combat dans une localité ou il faut se jeter sur le béton avec les 10 kg de gilet sur le dos ?
Pour ma part, de sous-officier à officier supérieur depuis 25 ans dans l’infanterie dont 20 ans en régiments, j’ai toujours adapté sur le terrain ma tenue pour faire mon métier, celui de soldat, pas celui de poupée d’opérette pour 14 juillet tout en essayant que mes appelés puissent s’équiper à moindre frais. Je n’ai jamais eu le sentiment de vouloir ressembler à Rambo ou aux forces spéciales. Je voulais juste être plus efficace.
Confronté à la parka microporeuse qui ne permet pas de sortir de la tourelle de son AMX10P, j’ai acheté un ciré américain « vert armée » pour pouvoir rester en tourelle sous la pluie. Confronté au problème du port du gilet pare-balle, je me suis tourné vers le civils pour trouver le « brelage » et le holster adapté, le tout en camouflé français. Chef de section j’ai acheté de mes deniers les sticks de camouflage pour ma section car j’en avais assez de voir mes appelés se massacrer la peau avec la suie du bouchon ou du pot d’échappement de l’AMX10P.
Des exemples comme cela, j’en ai par dizaine. Et des remarques sur l’adaptation des tenues de ma section par mes supérieurs, quelques dizaines aussi ! Mais ma satisfaction a toujours été de voir mes soldats contents de ne pas être habillés comme des clodos, de ne pas avoir froid inutilement et d’être aptes à remplir la mission.
Nos chefs qui poussent ces coups de gueule gratuits et sans risques sont d’une génération qui n’a pratiquement pas connu les Opex et n’a jamais été confrontée au problème de durer réellement longtemps sur le terrain pendant plusieurs mois et pas seulement pendant quelques jours de manoeuvre.
J’ai aussi travaillé avec bon nombre de soldats européens tout aussi efficaces sur le terrain que mes hommes même s’ils n’étaient pas tous dans la même tenue pour estimer que ce problème d’uniformité des tenues est un faux problème.
Alors, OUI aux tenues adaptées, car un tireur Famas n’a pas les mêmes besoins qu’un pilote de chars.
LANSQUENET
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