La « concertation », l’ « expression » et la « représentation » chez les Militaires

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’éditorial de Renaud Marie De Brassac sur l’écran de l’Adefdromil le 13 avril 2007 (en langage militaire : il a retenu toute mon attention…).

La création d’un Groupement professionnel des Armées (affilié ou non à l’Euromil) semble être la source d’une vive inquiétude au Ministère de la Défense. Elle est pourtant recommandée par le Conseil de l’Europe. Compte tenu de ce qui vient de se passer sur les Champs Elysées et qui constitue une grande innovation en ce début de quinquennat, on comprend aisément que la question soit à nouveau d’actualité … l’Europe est à la mode !

La haute hiérarchie, nous dit l’auteur, est toujours « proche du pouvoir politique » … comment pourrait-il en être autrement ? Doit-on se faire encore beaucoup d’illusions sur l’autonomie, l’autorité et la liberté de manoeuvre de nos Chefs d’Etat Major ? Leur « pouvoir » est effectivement très éphémère : deux à quatre ans pour vivre l’aboutissement de toute une carrière d’efforts, de sacrifices (et de couleuvres à avaler …) avant de retrouver, brutalement et de façon définitive, l’anonymat des coulisses. (Le jeu en vaut-il la chandelle … ça c’est une autre histoire !) Un militaire de haut niveau, même nommé en Conseil des Ministres, a-t-il plus de pouvoirs qu’un aide de camp sous l’Empire ? (et il n’est même pas nommé baron …). Est-il juste pour autant de parler de soumission ou de passivité ? Il en est ainsi à la Défense aussi bien que dans les autres Ministères : ce sont les énarques qui font la loi .Quant aux décisions…le processus en est parfaitement décrit ici. Elles sont« inspirées » :

par l’opinion publique bien entendu (et on se trouve toujours plus ou moins dans une période électorale …), par un évènement bien souvent (on ne l’avait pas vu venir et il faut prendre des mesures dans l’urgence …), ou par « un budget » (et c’est précisément le cas aujourd’hui …).

De toute manière, on parviendra toujours à « en faire » le fruit d’une réflexion, d’une étude … ou d’un « livre blanc », et le tour est joué !

On peut donc faire le bilan des enquêtes, des « rapports sur le moral », des réunions, des audits, des commissions, des « travaux du CSFM et autres. Ils sont comme les voeux en fin d’année : incontournables. On les lit, on les commente gravement … et on attend l’année suivante !

Cet éditorial m’apparaît donc bien vu et tout à fait juste … à un détail prés : le début du quatrième paragraphe qui m’a fait sursauter et avec lequel je ne suis absolument pas d’accord (« …face à une telle situation, le Général De GAULLE aurait réglé promptement en nommant aux postes clés des Officiers compétents et totalement désintéressés … »).

Permettez moi de vous dire, en dehors de tout esprit polémique qui serait malvenu ici, que mon ancienneté m’a permis de connaître l’ambiance dans les « Armées des années soixante » :

Les conditions matérielles lamentables dans lesquelles étaient contraints de vivre les cadres officiers et sous-officiers, La modicité des soldes (les célibataires en étaient « de leur poche » lorsqu’ils partaient en manoeuvre …) Les ISC n’étaient même pas en projet ! L’agressivité ambiante qui entourait la communauté militaire et la passivité totale du Commandement (je me souviens tout particulièrement d’une note de service signée du Général M … Gouverneur Militaire, précisant aux affectés dans la Garnison de Paris que « c’était à leurs risques et périls qu’ils circulaient en tenue dans la capitale… », Le mépris et au minimum la condescendance affichée du Pouvoir politique …, L’humiliation de devoir subir, en tant qu’officier, une « inspection des armes » avant de rendre les honneurs au Chef de l’Etat ou « la confiscation des percuteurs » aux élèves d’une Ecole Militaire avant un défilé en novembre 64.
… même « dans les rangs », on le sentait !! La situation inquiétante du « moral » des personnels enfin, au début des années 70 qui a débouché sur les « comités de soldats » et les mouvements que l’on connaît…

Dans nos Régiments de DOT, nous étions traités comme un « sous prolétariat négligeable ». Je m’en souviens très bien et je tiens à le rappeler : les poubelles, la garde des musées (et qu’on ose me dire que ce n’est pas vrai ! …), la chasse présidentielle (… !) Je n’ai pas le souvenir qu’un « grand chef compétent et désintéressé » se soit penché sur nos problèmes (je dois à la vérité que l’ambiance était néanmoins excellente au sein des Formations).

Non, pardonnez moi, cette époque à mes yeux n’est pas une référence … et il nous a fallu 1975, le Président Giscard et l’autorité du Secrétaire d’Etat Marcel Bigeard pour connaître l’embellie avec le Général Lagarde. Mais c’était après …

Si on n’a pas le droit de le dire ici … où pourra-t-on s’exprimer ?

Mustapha BIDOCHON

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LA BANQUEROUTE DE LA CONCERTATION ET DE LA REPRESENTATION DES MILITAIRES

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