Des promesses déjà tenues… mais intenables sur la Défense nationale

(Extrait du Canard enchaîné du mercredi 14 février 2007)

Puisque le Président de la République est aussi chef des armées, Sarko part à l’assaut des militaires. La bataille n’est pas gagnée d’avance. Dans les popotes, où Chirac a la cote, toute allusion au candidat UMP est assortie de ce commentaire : «Avec ce type, on serait en Irak ! » Une façon d’évoquer son penchant immodéré pour Bush.

Autre raison de ce désamour pour Sarko : quand celui-ci trônait à Bercy, il a fallu que Chirac monte au front pour défendre le budget de la Défense. En guise de représailles, le général Georgelin, alors chef d’état-major particulier à l’Elysée, avait mis son veto à l’utilisation abusive par Sarko des avions de la République. Mais, depuis, ce « cinq étoiles » est devenu grand patron des armées, et l’éventuelle élection d’une socialiste a rapproché les ennemis d’hier. En janvier, Sarko et Georgelin ont fumé le calumet de la paix. Le général a même laissé entendre qu’il adorerait se débarrasser des 100 000 pandores pour les refiler une fois pour toutes, avec armes et bagages, à la maison poulaga. Que du bonheur !

Pour sceller cette réconciliation, Sarko a choisi, début février, de donner une interview fleuve à la revue des auditeurs de l’Institut des hautes études de la défense. Façon Grosse Bertha. Saluant le « mérite » de Chirac, Sarko a repris à son compte le vilain mensonge du soldat MAM sur la bonne santé actuelle des armées, grâce notamment, au prétendu « respect de la loi de programmation militaire (2003-2008) ».

Douche militaire

Pas de bol ! circule en ce moment, sous le manteau, un document « confidentiel défense » de l’état-major, « Eclairage 2020 », si saignant que les grands chefs ont souhaité en épargner la lecture à leurs subordonnés pour ne pas attenter à leur moral.

Car il manque 4 milliards pour boucler ladite loi de programmation (notre document) [1]. Et l’on apprend que l’armée de terre souffre d’un « déficit chronique en infanterie ». Mais aussi que l’armée de l’air va être priée de passer de « 300 à 260 avions de combat en ligne ». Régiments, équipements, tout le monde en prend pour son grade. Sans parler des forces stationnées en Afrique, qui passent à la lessiveuse. Un vrai jeu de massacre. Qu’est ce que ce serait si Chirac n’avait pas de « mérite », comme dit Sarko !

Dans son entretien publié par la revue militaire – un exercice qu’a refusé Ségolène -, Sarko se contente de dire qu’il faudra sans doute « rationaliser » les dépenses. Sur la nécessité d’un second porte-avions, il explique qu’il ne dispose pas de « tous les éléments pour [se] prononcer ». Ce qui ne l’a pas empêché, le 8 février à Toulon, de claironner qu’il fallait fournir un petit frère au « Charles-de-Gaulle ».

Normal, un grand président a besoin de deux porte-avions.

B.R

[1]CONFIDENTIEL-DEFENSE SPECIAL FRANCE

Pour respecter pleinement les objectifs capacitaires du modèle 2015, il serait de plus nécessaire de résorber le déficit portant sur la deuxième moitié de la LPM, de l’ordre de 4Mds€.

Extrait de la page 23 d’un document de l’état-major intitulé « Eclairage 2020 ». Traduite en français, cette phrase signifie simplement qu’avant de songer à équiper les armées pour 2015 il faudrait d’abord honorer les engagements de la loi de programmation militaire (LPM) en cours (2003-2008), déjà dans le rouge de 4 milliards d’euros.

À lire également