Côte d’Ivoire. Le soldat meurtrier veut sortir de prison

Le Parisien , dimanche 28 mai 2006

Depuis sa cellule de la Santé, l’adjudant-chef Guy Raugel a commandé son uniforme d’apparat. Ce sous-officier, mis en examen pour le meurtre du « coupeur de routes » Firmin Mahé, le 13 mai 2005 en Côte d’Ivoire, tient à assister à la prochaine audience où son avocat plaidera sa remise en liberté. « Guy ne se plaint pas, mais commence à se poser des questions », confie son frère, Pascal Raugel. Incarcéré depuis le 30 novembre, l’adjudant-chef Raugel est le seul détenu parmi les militaires français de la force Licorne impliqués dans cette affaire.

« Guy a obéi à un ordre »

Sa famille et son avocat dénoncent une situation injuste. « Mon client a tout dit aux enquêteurs. C’est un soldat qui a exécuté l’ordre qu’il avait reçu du colonel Eric Burgaud, à savoir liquider le coupeur de routes Firmin Mahé. Rien ne justifie son maintien en détention », estime Me Jacques Tremolet-de-Villers. Le colonel Burgaud, qui avait demandé du bout des lèvres à subir le même sort que ses soldats, a été mis en examen pour complicité d’homicide volontaire mais laissé en liberté. Idem pour le patron de l’opération Licorne, le général Henri Poncet. Quant au brigadier-chef présent à bord du véhicule blindé dans lequel Firmin Mahé a été étouffé, il a été remis en liberté. Forcément, l’adjudant-chef Raugel s’interroge. Marié et père de deux enfants, ce chasseur alpin de Gap (Hautes-Alpes) n’en apprécie que plus les visites de ses proches. « Mon frère s’est engagé à 17 ans. Il en a 41. L’armée, c’est toute sa vie. Il a servi en Bosnie, à Djibouti, au Tchad », dit Pascal Raugel, qui admet avoir été « choqué » en apprenant l’implication de son frère dans le meurtre de l’Ivoirien. « Guy n’a pas agi de sa propre initiative, mais a bien obéi à un ordre. Le savoir en prison nous est insupportable », réagit Pascal Raugel. Parallèlement, il s’est renseigné sur le rôle des militaires français déployés dans la zone séparant les forces gouvernementales des rebelles. « Un climat particulier régnait dans ce secteur, asphyxié économiquement par les exactions de ces coupeurs de route. Honnis à leur arrivée, les Français ont peu à peu gagné la confiance des habitants », ajoute Pascal Raugel, encore marqué par des photos de villages brûlés ou de femmes éventrées… Me Tremolet-de-Villers va plus loin. A l’écouter, son client est devenu un héros en achevant Firmin Mahé. « Dans cette région, nombre de villageois sont scandalisés par le sort de Raugel. Pour eux, il les a débarrassés d’un dangereux bandit », prétend l’avocat. Fin 2005 pourtant, Me Fabien Ndoumou, conseil français de la famille Mahé, s’insurgeait contre la réputation faite à Firmin Mahé, « ni assassin ni coupeur de routes » mais simplement « quelqu’un qui menait une vie tranquille ». Laissant jusqu’ici la justice suivre son cours, l’Association de défense des droits des militaires réclame à son tour la libération de Guy Raugel : « En opérations, les chefs donnent des ordres brefs et précis, il n’y a jamais de sous-entendus. La responsabilité du donneur d’ordres est au moins aussi importante que celle de l’exécutant », insiste le capitaine en retraite Michel Bavoil.

Geoffroy Tomasovitch

COTE D’IVOIRE. Guy Raugel, l’adjudant-chef qui a tué le « coupeur de routes » Firmin Mahé, est le seul détenu parmi les militaires impliqués dans cette affaire. (LP.)

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