La chasse aux Blancs est ouverte

A SAINT-MARTIN, GUADELOUPE, FRANCE

(Minute N°2245 du mercredi 22 février 2006)

La chasse aux Blancs est ouverte

Le gendarme Raphaël Clin, 31 ans, marié,père d’une fillette de quatre ans, est mort a Saint- Martin, Guadeloupe,France, sous les vivats de salopards réjouis qu’un des leurs ait buté un Blanc. Ni le chef de l’Etat, ni le premier ministre, ni ses ministres concernés, Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy, n’ont réagi. Stéphanie, sa femme, a été injuriée. Dans l’île de Saint- Martin, aujourd’hui, les Blancs ont peur.

Le drame s’est produit le dimanche 12 Février. Il a fallu huit jours pour qu’il parvienne à la métropole. Et pas grâce à la télévision, ni à la radio, ni aux quotidiens qui font, pour les précédents, le tri des nouvelles, qui méritent d’être portées à la connaissance du grand public de celles qui n’en valent pas la peine.

Pendant qu’il agonise, on l’insulte.

Raphaël Clin était de ceux qui n’en valaient pas la peine. Il était gendarme. L’emploi de l’imparfait est de rigueur. Dimanche 12 février, le gendarme Clin, de la brigade de Marigot, dans l’île de Saint Martin, archipel de la Guadeloupe, France, était de service. En compagnie de l’adjudant-chef Chombard, il était parti pour une mission presque banale, une OAC, comme on dit dans la gendarmerie, une « opération anti-criminalité » visant à faire cesser un « Run » sauvage : une course de motos aussi illégale que coutumière, et aussi bruyante que dangereuse pour les motards comme pour les tiers quand elle est menée sur route et non pas sur circuit fermé. Et cette route-là est particulièrement dangereuse : en Août 2005, le gendarme adjoint volontaire David Gouard y avait trouvé la mort, victime, déjà, de son devoir.
A deux face à la meute, ce matin-là, l’adjudant-chef Chombard et le gendarme Clin ne pouvaient pas grand-chose, sauf faire acte de présence et tenter de convaincre les délinquants en usant de leur autorité qui n’impressionne plus grand monde. Elle n’a en tout cas pas dissuadé le motard qui a foncé sur eux. Le gendarme Clin n’aura pas le temps de se mettre a l’écart. Il est percuté de plein fouet. Il gît sur la route. Blessé. Grièvement. Il agonise. Autour de lui, un attroupement se forme. Une quarantaine de personnes. Spectateurs et participants de ce « Run ». L’adjudant-chef appelle les secours. Il réclame de l’aide. Il implore les personnes présentes de l’aider. Pas un ne bouge. Sauf les lèvres. Pour se marrer. Pour insulter la victime. Pour menacer son collègue. Pour crier victoire…Un gendarme à terre, un gendarme à l’article de la mort, quel trophée ! La tension est telle que l’adjudant-chef Chombard s’empare de l’arme de son collègue afin que nul ne s’en saisisse…Quand l’ambulance arrive, elle doit se frayer un chemin. Transporté à l’hôpital, le gendarme Raphaël Clin succombe à ses blessures. Il avait 31 ans. Et il était le père d’une fillette de quatre ans.

Aussitôt prévenue, Stéphanie, son épouse, se rend à l’hôpital. Le motard qui a fauché son mari s’y trouve aussi, moins sérieusement atteint. Les amis de celui-ci s’y trouvent donc aussi. Quand Stéphanie arrive, les insultes pleuvent. Et quand la mort de son mari est annoncée, ce sont des applaudissements qu’elle entend. Et des cris de joie…Des cris de victoire. Des cris de victoire raciale : « On a tué un Blanc »

Un cri de joie : « On a tué un Blanc ! »

Philippe B., un proche ami de Raphaël CLIN, qui a pour beaucoup contribué à porter l’information à la connaissance de la métropole, témoigne en ces termes : « La brutalité des scènes ne sont malheureusement que l’illustration extrême du climat local. Une partie de la population saint-martinoise entretient à l’égard de la population métropolitaine en général et des forces de l’ordre en particulier (symbole même de la métropole) une haine farouche .Cette haine porte un nom, c’est le racisme. »

Stéphanie Clin, elle aussi, malgré la douleur, a tenu à s’exprimer. A rappeler que son mari était un « modèle d’intégration », était un des rares gendarmes blancs à parler le créole. A rendre hommage au « mari le plus attentionné, le plus merveilleux », et au « papa le plus chouette au monde ». A rapporter ce qu’elle a vécu : « Quand je suis arrivée à l’hôpital, il y avait plein de monde, des gens de la famille de ce chauffard. Ils injuriaient les gendarmes et quand on nous a dit que mon mari était mort, ils avaient tous le sourire et ont crié victoire d’avoir tué un gendarme et de surcroît blanc ». A décrire le climat local : « Ces derniers jours, on a eu droit à des insultes, même envers nos enfants. Une amie guadeloupéenne a eu le droit à : on veut qu’il y ait un gendarme par jour qui meure ! »

Alliot-Marie et Sarkozy aux abonnés absents

La cérémonie funèbre a eu lieu mercredi 15 février. Le maire de Marigot, sans doute occupé par des tâches plus urgentes, n’est pas venu.
Son premier adjoint, Jean-Luc Hamlet, l’a représenté. « être ou ne pas être » là…Sur radio Transat, c’est lui déjà qui, s’exprimant au nom du conseil municipal, (« douleur», «sincères condoléances», etc.), avait mis les « propos indignes » qui avaient été tenus sur le dos de « quelques irresponsables », qui ne peuvent être tenus pour représentatifs de « la population de Saint Martin et encore moins de l’esprit de solidarité, de fraternité et de cohérence (?) qui anime tout Saint-Martinois ». On va y revenir.

Le 15 février donc, ses collègues, encore traumatisés, ont rendu hommage au gendarme Raphaël Clin sur la place d’arme de la caserne de la Savane, en présence des différentes autorités locales, dont le général de corps d’armée Dominique Norois, major général de la gendarmerie nationale, qui a remis au gendarme Raphaël Clin la médaille militaire et la médaille de la gendarmerie avec palme de bronze, à titre posthume. Mais de ministre, point.
Ce jour là, Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, était retenue à Paris pour une « réunion sur la prévention des risques sanitaires dont la grippe aviaire et le virus H5N1 », où pour le coup, personne ne lui aurait reproché de se faire représenter par le ministre de la Santé. Mais peut-être attendait-elle la décision du Conseil d’Etat, rendue le même jour, qui suspendait l’ « exportation » du Clemenceau vers l’Inde.
Nicolas Sarkozy, lui, n’avait rien de prévu ce jour-là, du moins rien d’essentiel si l’on en croit la source la plus officielle qui soit, son agenda publié par le ministère de l’intérieur, sauf de préparer son voyage en Allemagne, où il avait rendez-vous le lendemain, mais à 12h30, ce qui, en raison du décalage horaire, lui laissait tout à fait le temps de se rendre à Saint Martin. Pour recevoir les familles et amis des « jeunes » morts électrocutés à Clichy-sous-Bois, il avait trouvé le temps.
Le préfet de Guadeloupe, lui, était présent. Paul Girot de Langlade s’est montré ferme. « La tragique disparition de Raphaël Clin n’est pas un accident. Elle est le fait de délinquants qui ne respectent pas plus la loi que la vie humaine. […] Cette tristesse est d’autant plus douloureuse qu’elle est assortie de colère devant cette jeunesse irresponsable, dont le comportement est non seulement meurtrier mais également suicidaire. » Donc acte. Et après ?

Le préfet est un protégé de Jacques Chirac

Paul Girot de Langlade a fait ses études au prytanée militaire de La Flèche. Il est diplômé de Saint-Cyr. Il a été durant quinze ans officier d’active. Dans la cavalerie. Il est préfet de la République. En février 1996, Jacques Chirac l’avait fait préfet de Corrèze, ce qui témoigne à tout le moins d’une certaine confiance du chef de l’Etat. A l’automne 2002, préfet du Vaucluse, il avait fait scandale en déclarant au sujet des « gens du voyage » : « je n’ai pas de tendresse particulière pour ces gens là .Ils vivent à nos crochets, de la rapine aussi, tout le monde le sait. »
Alors il attend quoi ?
L’an dernier, dans un rapport d’information au Sénat, on pouvait lire ceci : « Alors que Saint Martin rassemble 8% de la population totale de la Guadeloupe, elle concentre 22% de la délinquance globale de la région en 2003 et 21% de la délinquance de voie publique constatée par la gendarmerie, qui assume la responsabilité de la sécurité générale de l’île » et cela malgré un renforcement important des effectifs déployés sur zone. Ce même rapport disait encore : « la délinquance sévissant à Saint-Martin se caractérise par un recours quasi-systématique à la violence et à la menace par l’emploi d’une arme, pour un préjudice matériel souvent faible. » Et de noter aussi que, de source militaire, le « sentiment d’impunité des petits délinquants multirécidivistes » ne faisait que s’accroître dans la mesure où leur comparution en justice était sans cesse repoussée…En 2001, la gauche au pouvoir reconnaissait aussi qu’il y avait au moins 10 000 clandestins sur l’île pour environ 30 000 habitants. Depuis, plus aucun chiffre n’a été donné.
Le 15 février, Michel Bavoil, président de l’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), a adressé une lettre ouverte aux présidents du Mrap, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, de Sos Racisme et de la Ligue des droits de l’homme : « L’agonie du gendarme Clin a déclenché de la part d’une quarantaine de personnes environ une réjouissance collective indigne de notre pays qui a profondément heurté la conscience de la communauté militaire en Guadeloupe en particulier et en France d’une manière générale. […] Ce comportement xénophobe et raciste entre dans le champ d’action de votre association […] Certain que vous ne resterez pas indifférent à cet acte de racisme caractérisé, je m’engage à rendre publique […] toute réaction de votre part. »
Le lendemain, Michel Bavoil a écrit à Michèle Alliot-Marie : « L’Etat est tenu de protéger les militaires ainsi que leur famille contre les menaces, les attaques, les violences, les voies de faits, les injures ou les outrages. C’est du moins ce que prévoit l’article 15 du statut général des militaires. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir déposer une plainte auprès du procureur de la République de la Guadeloupe afin que les auteurs de cet indigne comportement soient identifiés et condamnés avec la plus grande sévérité pour que de tels faits ne se renouvellent pas. »
Lundi 20 février, à l’heure où nous mettons sous presse, le seul communiqué publié était celui diffusé le jour même par Philippe de Villiers, dénonçant « l’incroyable mutisme des médias et des politiques face à cet acte de racisme anti-blanc » ; « Le silence des pouvoirs publics, comme des associations « antiracistes », est une insulte à la mémoire de cet homme. Où sont les donneurs de leçons, les défenseurs des droits de l’homme ?Y aurait-il deux poids deux mesures ? »

Céline Pascot

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