Reconnaissance de conséquences pathologiques pour les soldats ayant participé aux interventions en Iraq et en ex-Yougoslavie.

Question écrite N°48857 de M. Cochet Yves (Députés n’appartenant à aucun groupe – Paris) publiée au JO le 19/10/2004 page : 8039.

M. Yves Cochet attire l’attention de Mme la ministre de la défense sur « l’enquête française sur la guerre du Golfe et ses conséquences sur la santé », dont les conclusions ont été rendues publiques le 13 juillet dernier. Cette enquête semble souffrir de nombreuses lacunes, dont les plus criantes sont les suivantes : 1. Dans son introduction, le rapport estime à 20 000 hommes le nombre de militaires ayant participé à la guerre du Golfe. Dans la partie « Résultats », il indique qu’une liste de 20 261 militaires ayant servi au titre de la guerre du Golfe avait pu être élaborée. Le chiffre officiel (cité par la mission parlementaire d’information) est de 25 000 hommes. Dans la liste de 20 261 militaires sont inclus au moins un millier de personnes séjournant à cette époque dans des pays sans lien direct avec la zone de combat (Pakistan, océan Indien dont Seychelles, égypte, Turquie, Djibouti, etc.). 2. L’enquête ne prend pas en compte les vétérans décédés et leurs pathologies, qui sont pourtant identiques à celles que l’on retrouve chez les vétérans américains et britanniques. 3. Parmi les 5 666 sujets retenus, 71 % sont toujours en activité dans l’armée française. Effectivement aucune campagne par voie de presse n’a été organisée par le ministère de la défense en dehors des revues médicales, contrairement à ce qui avait été annoncé par les ministres de la défense et de la santé de l’époque, confirmé dans le Journal officiel. En revanche, tout semble avoir été fait pour que les personnels encore en activité et donc en bonne santé, participent à cette enquête. 4. Les examens médicaux, financés comme l’étude par le ministère de la défense, ont été effectués à hauteur d’un forfait de 180 euros et n’ont pas permis de faire de véritables recherches biologiques, toxicologiques ou radiologiques. Alors qu’il est officiel (cf. mission parlementaire d’information) que les flèches françaises et américaines portées par les obus et munitions antichars ont été produites avec de l’ U236, déchet radioactif de la combustion, le service de radioprotection des armées de Clamart a exclu toute recherche concernant cet isotope. Aucune question n’a été posée aux répondants à l’enquête sur leur contact avec des sites ou des chars bombardés avec des obus flèches dont ils connaissaient par ailleurs l’utilisation sur le terrain. Compte tenu de ces éléments et d’autres non exposés ici, il considère que cette enquête ne permet pas d’affirmer qu’il n’existe aucun lien entre la guerre du Golfe et les pathologies, signes ou symptômes développés après le conflit par les participants. Il lui demande quelles sont les mesures qu’elle compte prendre pour faire toute la lumière sur cette affaire et permettre enfin la reconnaissance de la situation spécifique de ces vétérans. – Question transmise à M. le ministre délégué aux anciens combattants.

Réponse publiée au JO le : 28/12/2004 page : 10434

Le ministre délégué aux anciens combattants souhaite rappeler tout d’abord à l’honorable parlementaire que le ministère de la défense, dans un souci de transparence totale et afin de prendre en compte les inquiétudes éventuelles des anciens combattants, a proposé la mise en place d’une mission d’information parlementaire sur les conséquences sanitaires de la guerre du Golfe et la création d’un groupe d’experts indépendants chargé d’étudier les conséquences de ce conflit sur la santé des vétérans. Conformément aux conclusions des travaux de ces deux instances, une enquête épidémiologique a ensuite été confiée à l’équipe du professeur Salamon, responsable de l’unité 593 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale de l’université V. Segalen Bordeaux 2, et donc totalement indépendante du ministère de la défense, afin que cette enquête offre toutes les garanties d’impartialité. Il y a lieu d’ajouter que le protocole applicable lors des visites médicales gratuites a été élaboré par le service de pathologie professionnelle de l’hôpital Cochin et donc par des médecins civils appartenant au réseau national de vigilance des pathologies professionnelles. Ce bilan, que les vétérans pouvaient choisir d’effectuer dans l’un des vingt-sept centres hospitaliers civils ou dans l’un des neuf hôpitaux d’instruction des armées, prévoyait un certain nombre d’examens complémentaires et n’était pas restrictif, ni qualitativement ni financièrement. Ainsi, des examens spécifiques supplémentaires ont été réalisés en fonction des symptômes ou d’un soupçon d’exposition particulière. A ce titre, cent cinquante-quatre analyses radiotoxicologiques de l’uranium appauvri dans les urines ont été effectuées pour un coût de 35 240 euros. Il convient de préciser que l’étude des conséquences sanitaires de l’exposition aux munitions à uranium appauvri n’était pas dans les objectifs fixés à l’enquête dirigée par le professeur Salamon puisque la majorité des sujets interrogés n’avaient pas la connaissance de telles munitions lors de leur présence dans le golfe. Cependant, lors des bilans médicaux, un éventuel contact avec l’uranium appauvri a été recherché lors de l’interrogatoire et des marqueurs d’atteinte rénale, conséquence principale d’une exposition à l’uranium, ont systématiquement été recherchés. Toute anomalie dans les examens ou soupçon d’exposition a donné lieu à une analyse selon la technique de la spectrométrie alpha, qui permet d’identifier et de mesurer l’activité des isotopes 234 et 238 de l’uranium. Il y a lieu de rappeler ici que les isotopes 235 et 236 possèdent des raies d’énergie caractéristiques tellement proches de ceux mentionnés précédemment que sur le spectre, ils apparaissent tous sous forme d’un seul et unique pic. Or, à chaque fois, l’absence de pic significatif a permis de conclure qu’aucun de ces isotopes n’était présent dans les urines des vétérans. Par ailleurs, il est vrai que l’étude confiée au professeur Salamon se voulait exhaustive mais que seules 5 666 réponses de vétérans ont pu être exploitées, sur 10 478 dossiers envoyés à une adresse connue, et ce, malgré la sensibilisation menée par les armées auprès du personnel encore en activité, par certaines associations comme Avigolfe, et par des articles dans la presse spécialisée médicale. Les causes principales de refus de participation ont pu être en partie connues lors de la relance effectuée pour la participation à l’étude. Ainsi certains ont considéré qu’ils ne correspondaient pas à la population étudiée car ils ne se trouvaient pas dans le golfe (cas des marins embarqués), qu’ils n’avaient effectué que des séjours courts ou épisodiques ou qu’ils n’étaient pas présents lors des frappes aériennes et terrestres de janvier et février 1991. D’autres ont estimé qu’ils étaient en bonne santé ou qu’ils n’avaient pas été particulièrement exposés pendant leur séjour. Des raisons aussi diverses que la trop grande longueur ou la trop grande complexité du questionnaire et des interrogations sur l’utilité éventuelle de l’étude ou d’une enquête trop tardive ont aussi été avancées par les personnes contactées pour justifier leur absence de participation. Pour ce qui concerne la présence dans l’enquête de personnes ayant séjourné à Djibouti, en Egypte, en Israël, dans l’océan indien ou au Pakistan, il y a lieu de préciser que les tableaux incriminés s’intitulent : liste des pays ou lieux plus fréquemment cités en tant que lieux de passage ou lieux de séjour pendant la mission dans le golfe. Un militaire déclare ainsi treize pays différents. Il est aussi possible de citer l’exemple de l’Egypte où douze militaires ont séjourné, mais qui est désigné comme lieu de séjour principal par seulement quatre d’entre eux. En aucun cas il ne s’agit donc d’une volonté de faire croître artificiellement le nombre de militaires ayant séjourné hors du golfe arabo-persique, mais de manifester au contraire le souhait de rendre les mouvements de ces militaires les plus transparents possible. En tout état de cause, les résultats de cette enquête ne traduisent que la situation sanitaire des 5 666 personnes y ayant répondu et dont le questionnaire s’est avéré exploitable. Enfin, il peut être relevé que seuls 350 militaires, sur plus de 20 000 ayant participé aux opérations dans le golfe, ont déposé à ce jour un dossier de demande d’indemnisation au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

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